Il était mille fois…

Il était une fois, une jeune femme qui devint consultante, arrivée sur le tard dans ce métier après avoir exploré d’autres contrées et d’en être revenue quelque peu ‘blasée’. Notre novice découvrait émerveillée la multitude d’aventures et l’ampleur de la tâche qui l’attendaient.
Son bonheur n’avait d’égal que son plaisir à découvrir ! L’étendue de ce nouveau territoire à explorer lui semblait infinie et prometteuse de belles rencontres.

Elle rencontra ainsi d’immenses experts ayant tous un avis sur le monde. C’est ainsi qu’elle explora, heureuse, les connaissances de ces sages experts.
L’aventure se révéla étonnante et joyeuse, en apparence fertile. Pendant longtemps elle apprit, partagea, et sema. De riches rencontres lui révélèrent de nombreux pouvoirs, cachés ou oubliés, que, seule ou avec ses compagnons de route elle tacha de développer, partager, et semer.
Puis un beau jour, notre consultante aguerrie fut gagnée par un mal mystérieux et fort étrange qui s’immisçait dans son bonheur.
Ses rencontres, qu’elle appréciait pourtant toujours, lui paraissaient insuffisantes, elle ne ressentait plus la joie de partager et semer…. C’était comme si le monde avait changé de couleur, et que ce qu’elle voyait lui paraissait aussi figé que des statues de sel.

Une nuit, une petite voix lui parla :
« ne vois-tu pas que ton cœur te montre ce que tes yeux ont ignoré ? tu te croyais vaillante et bien armée pour la tache qui t’était confiée, mais il te manquait la lucidité du cœur. Ah, que ne l’eusses tu pas mieux écouté ! il t’a parlé souvent, mais tu l’as ignoré pourtant. Têtue tu as poursuivi revêtue de ton désir de semer et de partager les graines de connaissances qui t’avaient été confiées. Mais ton âme d’exploratrice s’est appauvrie en endossant les habits du consultant. Le savoir n’est pas la connaissance »
Alors, notre consultante partit loin, elle s‘installa dans un lieu où seule la nature lui faisait cadeau de ses enseignements.

D’autres graines se semèrent, et, c’est alors que, juchée sur les épaules de ce monde sauvage, alors seulement elle comprit : toutes ses jolies et joyeuses graines qu’elle avait tenté de semer et de partager, ne trouvaient pas terreau fertile en réalité. La terre à laquelle elles étaient destinées était stérile. La transformation ne pouvait donc fleurir.
Car sur ces terres pleines de graines à fleurir y régnait un bien curieux vilain qui s’appelait R.O.I. et qui, dans le culte sans faille de son seigneur Neolib les asséchait et la condamnait de ce fait à revenir sans cesse à la tâche. C’est ainsi qu’elle put voir Neolib exiger toujours plus de son serviteur R.O.I. qui devait l’honorer toujours plus et plus encore.
Je vous disais tout à l’heure que R.O.I. était bien curieux, en effet, R.O.I. avait ceci de particulier qu’il était carré…. Oui oui vous avez bien lu, il était tout carré… tellement carré qu’il en était cubique ! Et de fait, il ne pouvait se déplacer qu’en glissant, en raclant tout sur son passage au ras du sol en ligne droite, traçant au sol des lignes et encore des lignes… jusqu’à former des cases et dessiner un immense quadrillage. R.O.I., pour honorer son seigneur Neolib traçait inlassablement le symbole de cette bien curieuse religion : des cases et des sillons.
Elle observa R.O.I. , lors de son passage régulier, bouloter frénétiquement chacune de ses graines fraichement semées, qui n’avait eu ni le temps de prendre racine ni la possibilité de s’enfoncer dans le sol afin de fleurir plus tard à la faveur d’un climat propice.

Et R.O.I. de se repaître goulûment de ces petites graines afin de grossir encore et encore pour satisfaire l’appétit de son maître vénéré.

Car en effet, à chaque fin de saison, Neolib se mettait à table pour un unique et pantagruélique repas, dévorait R.O.I. devenu bien gras et bien dodu, puis donnait naissance à un nouveau R.O.I. et qui à son tour, dessinait des cases et des sillons, se nourrissait de toutes les petites graines, énergies vitales dont il se repaissait pour grandir et ainsi satisfaire Neolib.

« Puisque je ne peux faire fleurir mes graines sur le passage de R.O.I., alors je vais les planter et non plus les semer, sur des terres éloignées de ces deux affamés. Elles auront ainsi le temps de trouver force et vitalité pour se développer. » se dit elle.

C’est ainsi que, parce que juchée sur les épaules de la nature sauvage, elle avait pu discerner les deux affreux. Habiter le pays de Neolib, c’est risquer de se retrouver prisonnier de ses lignes qui n’étaient distinguables que de loin, en réalité de profonds sillons, desquels il n’était possible de sortir, et dont les ornières cachaient de la vue la diversité d’un paysage fertile et vivant.

Et depuis, de son lointain, notre exploratrice redevenue décida pour l’avenir de rester juchée sur les épaules de la nature sauvage afin de toujours s’assurer que R.O.I. serait occupé ailleurs à dessécher d’autres terres. Elle put ainsi planter ses jolies graines afin que le monde s’en trouve plus beau.