La rencontre

J’étais tellement impatiente de les rencontrer !

Cela faisait longtemps que j’en rêvais et pourtant je savais que je devais être patiente… car mon empressement risquait d’être mal perçu.

Au bout de 2 semaines d’immersion de la savane africaine, des villageois m’ont enfin proposé de rencontrer leur roi…je n’ai même pas réfléchi, me voilà, prête à cette rencontre, briefée sur les coutumes à respecter, équipée d’un symbole de reconnaissance de la tribu : un symbole de pouvoir, pour se faire accepter d’égal à égal.

Ce n’était ni un sceptre ni un bâton, mais une simple baguette, ni ornée ni décorée. Un symbole de domination.

J’arrive enfin devant lui. Sa sœur, à ses côtés.

J’avance prudemment, attentive, intimidée, bien droite comme on me l’avait recommandé.

Dès le premier regard, j’ai su : inutile le bâton séché, inutile la distance imposée : si elle n’était pas intéressée par cette rencontre, lui en revanche, me regardait sereinement avancer.

Je fus aussitôt envahie d’une certitude : je n’avais rien à craindre de lui. Et il savait qu’il n’avait rien à craindre de moi. Petit à petit j’enfreignais toutes les règles que l’on m’avait demandé de respecter, je me retrouvais, proche, trop proche, à sa merci : à quelques secondes de la mort, à portée d’un coup de pattes brutal et inattendu, avec lequel le Roi des animaux pouvait sans effort ni avertissement me tuer.

Contre lui j’ai senti. J’ai senti qu’à cet instant précis, les règles du jeu étaient différentes de toutes celles que j’avais connues jusqu’à présent. Et c’était à moi de les découvrir. Ce n’était, pour la première fois, pas moi qui dominait, qui décidait, c’était lui.
Lui qui acceptait que je l’approche, que je le touche, enfouisse mes doigts dans la fourrure rêche et dense. Et je sentais qu’il appréciait ce contact. Il aimait et j’étais en sécurité malgré les yeux blancs que roulaient les villageois mécontents de ma témérité qui enfreignait les règles de la relation Homme/Lion.

J’ai senti sa force extraordinaire, sauvage, qui m’a peu à peu enveloppée, une puissance brute pourtant accompagnée de douceur : le lion m’avait acceptée.

Et j’étais, à ce moment précis, la plus heureuse des animaux humains.

Ce jour-là, j’ai découvert une autre forme de communication, s’appuyant sur la curiosité, l’ouverture, et le ressenti de l’Autre, et ce jour-là, j’ai compris que nous, les humains, avions perdu un morceau de notre humanité dans cette part animale que nous avions délaissée. Nous avions perdu ce que j’appelle notre « hyperanimalité ».

L’hyperanimalité, cette capacité à décrypter et interagir de façon adaptée avec notre environnement sans passer par le raisonnement, ou la pensée analytique. C’est un atout essentiel pour nous adapter au monde de demain, un monde qui bouge vite, un monde digital, un monde interconnecté. L’hyperanimalité nous permet de réagir vite, dans les situations critiques, lorsque la décision est urgente, ou dans les situations inédites.

Ces aptitudes se regroupent en deux grandes catégories :  l’intuition, dans l’action ou la décision, et l’instinct relationnel souvent réduit à la fameuse première impression.

Si le monde militaire et scientifique s’intéresse depuis quelques années à ces aptitudes, elles gardent encore bien des secrets sur leur fonctionnement physiologique. Pourtant 82 prix Nobel sur 93 ont reconnu que leurs découvertes avaient été faites grâce à l’intuition, tout comme 53,6 % des chefs d’entreprise admettent prendre ainsi leurs décisions…

« Le mental intuitif est un don sacré et le mental rationnel est un serviteur fidèle. Nous avons créé une société qui honore le serviteur et a oublié le don. » Albert Einstein.